Epreuve 1 avec André Dubois [Esquisse] et Funa Takagi [Just Married]

Je suis assis sur le banc d’un arrêt de bus, comme si j’en attendais un ; mais j’ai beau regarder autour de moi, je ne reconnais rien. Je ne connais pas les bâtiments qui m’entourent. Quant aux personnes qui marchent ou se posent près de moi, je n’arrive pas à comprendre leur langue, à part un peu d’anglais par-ci par-là.

Depuis mon réveil, j’ai essayé de réfléchir aux questions qui me taraudent l’esprit. Où suis-je ? Comment ai-je été allongé sur ce banc ? Mais j’ai du mal à trouver des réponses. Je ne crois pas que je sois dans l’Esquisse. Toutefois, j’ai beau explorer mes souvenirs, je ne vois pas comment j’ai pu en sortir. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression d’être de nouveau sur Terre. Peut-être celle du futur, vu les bâtiments futuristes.

Je me lève, je marche en regardant autour de moi. Être redevenu humain me fait bizarre. J’aperçois des affiches avec des phrases japonaises et leur traduction anglaise, ce qui me fait penser que je suis au Japon. J’en lis plusieurs. Certaines sont juste des affiches publicitaires, d’autres sont gouvernementales. Ces dernières me font froid dans le dos. « Vos vies sont entre de bonnes mains » « La tradition qui persiste dans les générations » Pourquoi ai-je autant l’impression de me trouver dans la version japonaise d’Océania ? J’essaie de marcher comme si de rien n’était, malgré le frisson me parcourant l’échine. Je m’étonne d’à quel point les gens ont l’air sereins dans un pays pareil.

Je vois un banc, près d’un hôpital. Je m’y assieds, pour mieux réfléchir à comment faire face à cette situation. Je fouille dans mes poches mais je ne trouve rien. Ni portable, ni argent, ni papier. Me sortir de ce pays ne va pas être facile. J’aurai même du mal à séjourner dans cette ville. Je suis devenu un SDF. Comment faire pour me sortir de ce pétrin ?

Tu as terminé plus tôt ta réparation de tuyaux dans l’un des gyms les plus réputés de Shibuya. Tu es tellement contente d’avoir accepté le boulot, car pour ton bon travail, le propriétaire t’a donné un pourboire que tu n’anticipais absolument pas. Et c’est tout un pourboire que tu as reçu, tu pourrais te payer six méga-parfaits aux fraises! Juste à y penser, tu salives un peu, mais tu restes bienséante. Après tout, tu es en train de te déplacer dans les rues les plus achalandées du quartier, il faudrait tout de même bien paraitre!

Sifflotant gaiement, tu es rendue non loin de l’hôpital général lorsque tu constates un petit regroupement de personnes aux expressions déconcertées sur le coin de la ruelle qui embrasse un parc adjacent à l’édifice médical. Faisant ta fouine – qui est inhabituel de ta part –, tu t’approches et tu demandes timidement ce qui se passe. Tu te permets de zieuter les environs, histoire de vérifier s’il n’y aurait pas eu un accident quelque part et qu’il faudrait composer le numéro d’urgence. Plutôt, une femme te répond qu’un homme qui est apparu littéralement du néant est tombé sur le banc de bus, qu’il a l’air vraisemblablement perdu et qu’il reste assis, l’air bien penaud. Elle te pointe la personne en question et, effectivement, l’homme n’a pas l’air du tout dans son assiette.

Un peu contrariée du fait que les gens s’agglutinent entre eux, mais qu’ils ne se déplacent pas vers la personne qui a besoin d’aide, tu fronces les sourcils et tu décides de piétiner sur ton côté introvertie. Tu te diriges lentement vers l’homme. Tu remarques ses allures occidentales, donc, par précaution, tu ouvres ton téléphone portable. Sitôt, tu ouvres une application de traduction vocale en temps réel et, une fois non loin de lui, tu prends la parole en prenant un ton rassurant.

- Excusez-moi, Monsieur, on m’a dit que vous êtes tombé de nulle part et que vous sembliez être perdu. Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous?

J'essaie de réfléchir à comment m'en sortir, mais je me sens encore confus. Comment ça a pu m'arriver ? Je ne me souviens pas avoir emprunté un passage de l'Esquisse à la Terre. Je souhaite demander de l'aide, mais de quoi j'aurais l'air ? À moins d'un miracle, on me croirait sorti d'un hôpital psychiatrique.

Je sens mon cœur battre. J’essaie de respirer doucement. Je dois me calmer, sinon je n’arriverai pas à réfléchir. Que faire pour me détendre ? Je regarde autour de moi, avant de me tourner vers l’hôpital. Je ne trouve rien de mieux que d’observer les gens qui en sortent. Au premier abord, ils sont ordinaires. Mais un détail m’interpelle. A chaque fois que je vois un bébé en sortir, il a une cicatrice sur le front. J’essaie de vérifier si ce n’est pas juste un détail anodin. Mais c’est trop récurrent pour être une coïncidence…

J’entends une femme avec une coupe garçonne parler fort à une autre japonaise. Quelques regards me donnent l’impression qu’elles parlent de moi. J’aimerais leur demander de l’aide, mais je crains qu’elles ne me prennent pour un fou. Peut-être est-ce déjà le cas.

La femme aux cheveux courts et sourcils épais s’approche de moi et me parle. Je ne comprends pas le japonais, mais son application vocale me traduit ses propos en anglais. Les premières paroles me prennent de court.

« Tombé de nulle part ? »

Ai-je bien entendu ? Je la regarde quelques secondes. Je comprends mieux sa surprise de tout à l’heure. Ce qu’elle m’a dit est difficile à croire. Mais ça pourrait expliquer mes douleurs au réveil. Mes craintes s’apaisent un peu. Si elle conçoit, même un peu, que je sois tombé de nulle part, alors elle pourra croire au moins une partie de ce que je vais dire.

« Peut-être, mademoiselle. Je sais que c’est difficile à croire, mais ce que je vais dire est vrai. J’ignore dans quelle ville je suis. Je ne sais même pas comment je suis arrivé au Japon. Je n’ai ni argent ni pièce d’identité. Pourriez-vous m’aider, s’il vous plaît ? »